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16 sept. 2014

La connexion italienne

Champvent-Benfica.

78e minute.

Le FC Champvent est mené 1-2.

Olivier Glauser capte un corner portugais, et décide de relancer à la main. Il balance le cuir côté droite, le long de la ligne de touche, à 35 mètres de son propre but, donc à 65 mètres du but de Benfica.

Marco Galati s'empare du ballon.

Et le spectacle italien se met alors en marche.

Et le spectacle italien se met alors en marche.

Marco Galati, 190 centimètres de bonheur, a une technique proportionnelle à sa taille; si les grands hommes sont habituellement gauches, peu mobiles et déglingués, Galati en est l'antithèse.

À 65 mètres de son but, il maîtrise d'abord le ballon, mais très vite voit deux adversaires lui chercher des noises. Galati est un monstre, une forteresse imprenable, il résiste à ses sbires, balance le premier, rejette le second, grandes enjambées, foulées magnifiques, un long déhanchement qui met à mal ces Portugais si rapides, avec sa taille géante l'italien devrait céder du terrain mais au contraire il l'augmente, pousse sa balle à chaque foulée – quelle technique –, résiste encore, bouscule un défenseur central venu en renfort. L'attaquant est alors à 40 mètres du but adverse, son pas s'accélère davantage, physiquement on joue bientôt la 80e mais lui se bonifie au gré des minutes qui s'égrènent, la défaite qui pointe gentiment, mais Marco Galati déteste perdre, il pousse donc encore sa balle, la défense aux trousses, on lui met les mains sur les épaules pour le ralentir, des bâtons dans les roues pour le déséquilibrer, mais il résiste toujours, le voilà à 25 mètres du but, toujours collé à la ligne de touche, le ballon collé au pied, les adversaires collés aux basques, et la fatigue d'un long sprint venant, il décide de centrer.

Il est collé à la ligne de touche, le ballon collé au pied, les adversaires collés aux basques

Un centre, dans le football, peut prendre deux tournures. Soit on assure, on limite le risque au minimum, on met un ballon en chandelle, dans le paquet, et démerdez-vous. Ou alors on prend des risques, on botte le cuir avec à-propos, cou-de-pied, on met la puissance, quitte à envoyer la prune en tribune, mais l'objectif est altruiste, on veut offrir un caviar à son collègue, non pas une pourriture.

Et Galati, il fait les choses bien.

Un centre enroulé, millimétré, ras de terre et parfaitement fuyant entre le portier et les 16 mètres. Galati s’est débarrassé du ballon, Benfica Lausanne peut respirer, mais le grand problème est que désormais, l'étalon italien a transmis le ballon à son compère magnifique, qui n'est autre que le Roi Bencivenga.

Et là, danger garanti.

Pour l’adversaire, catastrophe annoncée.

Pour Champvent, bonheur assuré.

D’autant que l'homme aux 271 buts sous le chandail chanvannais avait tout vu venir.

Et là, plus personne ne peut rien faire.

Le but va arriver.

Tout le monde le sait.

Seule question, comment va-t-il s'y prendre?

Il a suivi, bien discrètement, bien calé entre les lignes, à distance équivalente des défenseurs, histoire de semer la zizanie.

Auparavant et avant la prise de balle, Albino Bencivenga avait déjà tout compris de l'entreprise de son compatriote. Alors il a suivi, bien discrètement, bien calé entre les lignes, à distance équivalente des défenseurs, histoire de semer la zizanie. Il a épié Galati à s'émerveiller le long de la touche.

Et au moment du centre, le Roi s'active.

Le ballon est légèrement long, Albigol donne ce coup de rein magique, celui qui fait toute la différence. Le contrôle est parfait, la jambe en extension qui prolonge le ballon, toujours dans le sens de la course, voilà le buteur légèrement excentré sur la gauche, à 15 mètres du but portugais, le ballon parfaitement installé face à lui.

Il est sur son "mauvais pied".

"ton pied gauche, tu ne l'utilises que pour monter dans le bus?"

Un mauvais pied, dans le football, peut prendre deux tournures. Soit on ferme les yeux, on serre les dents, si ça part tant mieux autrement tant pis, on essaie un extérieur du pied droit, quitte à entendre, le lendemain à l’entraînement, "ton pied gauche, tu ne l'utilises que pour monter dans le bus?". Ou alors on à ça dans le sang, bon pied mauvais pied, bon gré mal gré, avec ou sans élan, peu importe, on sait tout faire, c’est inscrit dans les gènes, on a le talent et l'entreprise, on s'est entraîné et on assume, on cherche un coin et on envoie.

Et Bencivenga, il fait les choses bien.

Une frappe organique, méticuleuse, magique, superbe.  La magie. Le coup de fusil. La mine. Direction lunette, côté gardien. Le Roi a bien un "mauvais pied" – le gauche – mais un mauvais pied qui fait rougir de honte le bon pied des cabochards, soit la majorité des joueurs de 2e ligue, ceux qui ne savent pas frapper.

La balle se mue alors en parabole, découpe l'air d'un son aigu, ffffffffffffuit, le filet qui tremble de tout son long.

Goal.

Merci.

Albino remercie l'arbitre.  A moins que ça ne soit l'inverse.

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