Notre sponsor

13 sept. 2013

Albino Bencivenga, le Roi des rois (partie 1)

Sur ce blog, nous l'avons très vite baptisé le Roi.  Albino Bencivenga est au club depuis 2006. Avant, c'était Yverdon-Sport, SR Delémont, AC Bellinzone, Echallens ou encore le FC Savoia. Il est le meilleur buteur vaudois depuis la nuit des temps. Plus de 330 buts en carrière.  Portrait d'un homme illuminé par le talent.

Photo: La Région Nord vaudois


Ecce Homo! Ainsi hurla Ponce Pilate lorsqu'il présenta l’enfant roi, Jésus Christ, à la foule en délire, un soir d'été à Jérusalem.

Ecce Homo, "voici l'homme", en français dans le texte.

Deux mille ans plus tard, un soir d'été brûlant et devant une poignée de coéquipiers médusés, Jean-Daniel Tharin aurait pu crier voici l'homme à son tour.

Albino Bencivenga débarquait ainsi au FC Champvent, le Roi arrivait, le miracle personnifié était intronisé, le maître prenait la tunique du modeste club Nord-vaudois. S'écrit alors la plus belle page de l'histoire du football chanvannais. Ni plus, ni moins.

Les rêves de grandeur

Plus de 220 buts plus tard, Albino porte toujours le chandail chanvannais. Autour de l’ivresse d’une petite bière et après un match où il encore fait tourner la tête de ses adversaires, le maître ressasse ses mémoires, s’extirpe de sa timidité apparente, et confie son passé dans les arcanes du pouvoir: "Jouer contre le Real de Madrid en 1996, c'était certainement mon plus beau souvenir en tant que joueur.  J’évoluais alors à Yverdon et en face de nous, il y'avait des joueurs de la trempe de Clarence Seedorf, Davor Suker, Fernando Hierro. C’était surréel. Pour l’anecdote, on a pris 3-1, mais ça reste secondaire. Sur le banc de touche, il y’avait un certain Fabio Capello, je n'avais d'yeux que pour lui." explique-t-il les étoiles dans les yeux, à moins que ça ne soit le contraire, les stars madrilènes qui se pavanent dans sa tête aujourd’hui encore, des souvenirs célestes pour un joueur lui-même devenu divin.

Il enchaîne: "Quelques années plus tard lorsque je jouais à Bellinzone, on avait reçu le Genoa – 9 fois champion d’Italie, quand même. Là, j’enfile un but, et on gagne 2-0. L’extase. Ce n’était bien sûr qu’un match de présaison, mais quand même, j’en suis extrêmement fier." Albino Bencivenga se souvient encore de l’année 2001 comme d’hier, de cette saison tessinoise comme de la plupart des 330 buts qu’il a inscrits au cours de sa glorieuse carrière.

Le Roi fait partie de la caste des buteurs qui compte ses pions, il est capable de détailler ses buts les plus lointains comme les plus proches, les importants autant que les insignifiants, les merveilles comme les laids; un extrait lui vient naturellement à l’esprit: "justement, le seul but que je marque en Ligue Nationale A, c’était avec Yverdon-Sport en 1999. Le ballon ne touche même pas le filet! Il a à peine franchi la ligne…"

A YS (18 buts), sous les ordres de Lucien Favre

Jeune et prometteur, ambitieux et téméraire, l’heure de faire des choix bat son plein, tic-tac tic-tac, la carrière n'attendra pas, rester en Ligue Nationale A avec Yverdon-Sports, faire du banc pour que son propre égo règne; ou partir pour s’assouvir, chercher ce fameux temps de jeu propice au développement personnel, et pour que sa propre volonté soit faite? "Lucien Favre me disait toujours, reste à Yverdon, fais-toi les os ici. Je suis resté une année supplémentaire, mais je n’ai jamais eu beaucoup de minutes pour me montrer. J’avais quand même été meilleur buteur du Tour de relégation en LNB deux années auparavant, avec 12 goals. Mais je n’arrivais tout simplement pas à gagner la confiance de Lucien Favre en LNA. Il a été un excellent entraîneur, mais je voulais jouer régulièrement, j’ai donc décidé de partir." YS, 18 buts entre 1997 et 2000, entre la Ligue Nationale A et la LNB, pas tant de temps de jeu, mais déjà un finisseur patenté.

Et puis le départ, par amour du jeu

Selon son agent John Dario, sa valeur sur le marché avoisinait alors les 435,000.- CHF. "Quand on m’a annoncé ma valeur, j’étais un peu déçu. Non pas pour le montant en soi, qui représentait beaucoup d’argent, mais parce qu’autour de moi, j’entendais des montants de transferts faramineux pour d’autres joueurs et je me disais que finalement, à bien y réfléchir, je ne valais pas grand-chose!" La Ligue Nationale A attendra, il fallait désormais s’aguerrir en LNB, donner tort à ce Ponce Pilate intérieur, celui qui promettait la croix et la bannière pour atteindre l’échelon suprême en Suisse.

Direction Delémont, où Heinz Hermann le veut absolument. Le Jura, une nouvelle terre fertile, l’instinct du Roi Bencivenga déjà frappe les esprits et les buts adverses: 11 goals, quasiment tous inscrits lors du premier tour.

A peine six mois après l’arrivée de l’homme-roi, Heinz Hermann est remplacé par Michel Renquin, "un fou". L’amour ne sera jamais réciproque et rebelote, il faut chercher la grâce ailleurs, voilà que l’enfer du foot lui fait un premier clin d’œil en guise d’avertissement. "Après Delémont, je me suis retrouvé au FC Savoia, en Série C italienne. Jouer en Italie, ça représentait quelque chose pour moi. Savoia, c’est vers Naples, c’est chaud, et ma foi là-bas, on avait carrément interdiction de sortir de l’hôtel. Je me souviens encore parfaitement du capitaine, un certain Sbrizzi. Un jour, il m’avait dit: c’est la jungle ici au Sud, toi, tu dois aller jouer au Nord. Je te donne un conseil, cherche un club ailleurs. L’atmosphère était pesante là-bas, et puis bon, le club a finalement fait faillite."

Un passage en Série C italienne, dans l'enfer napolitain

Du coup, retour à la case suisse, le coach Dellacasa l’attend pour deux ans à Bellinzona, tandis que Kriens lui avait proposé un contrat similaire. L’expérience italienne de Savoia lui vaut un passage dans les coulisses du mal, les non-dits du foot qui surgissent, la vérité crasse d’un monde guindé à la performance ultime. "On nous filait des pastilles bizarres. Avec ces trucs, on n’était jamais fatigués… On pouvait courir, courir, sans jamais se fatiguer. Même la nuit, ça turbinait. Franchement, ça m’a foutu les boules, je me demandais comment mon corps pouvait accepter un tel traitement, c’était intenable." Lui s’en tiendra là, la santé avant tout, la vie est longue, les buts n’attendront pas, certains de ses coéquipiers poussaient même le plaisir à d’autres entournures : "Je voyais des joueurs se piquer les cuisses. C’était trop."

=============

Albino Bencivenga, le Roi des rois, la deuxième partie, ce sera pour la semaine prochaine.  Nous y évoquerons son salaire de footballeur à l'époque, son amour du Milan AC, quelques souvenirs du haut niveau et son rapport avec le but.

En attendant, quelques liens.

AC Bellinzone–Genoa 2-0, un but de Bencivenga – AC Bellinzona

Joueur vaudois 2006-2007 – Cartonrouge

Contingent SC Delémont, saison 2000-2001 – Euro

Contingent AC Bellinzona, saison 2001-2002 - Euro

Un but face à Thierrens, en 2011 – Footmag (le but est à 4:28!)


L'homme implore le respect, sur et hors du terrain

Ecce Homo! (de Antonio Ciseri) Ponce Pilate annonce l'arrivée de l'élu

La facilité de l'homme-roi

Il connaît ses buts sur le bout des doigts

Aucun commentaire: